Françoise Urban-Menningert
Grappes d’azur
cœurs de lumière
la grille en fer forgé
découpe des cœurs de lumière
sur le mur de pierre
où mon ombre s’est allongée
j’entends leurs battements
qui irriguent mon silence
sur cette page blanche
où s’écoule le temps
lentement les heures
lumignon de lumière dorée
la tulipe rouge orangé
ouvre ses paupières effrangées
sur le jardin ivre de langueur
qui abandonne sa torpeur au chœur
des abeilles qui butinent son coeur
chaque fragment de verdure
ouvre sur le fronton de l’azur
le bleu infini d’une épure
où lentement les heures
parfumées de senteurs
font éclore l’âme des fleurs
l’ombre qui descend
l’eau clapote entre les rives
où mon âme dérive
noyée lentement
par l’ombre qui descend
le ciel à la terre
parfois m’enserre
à la racine des mots
qui poussent sous ma peau
autour de la table
autour de la table
les rires s’entrechoquent
des éclats de lumière
font chanter le cristal des verres
où le vin blanc
capte l’ivresse des reflets
la cruche en terre
tiédit au soleil où des mouches
ont noyé leur torpeur
le temps s’alanguit
jusque dans le chœur
des roses ensommeillées
où les paupières de l’ombre
verrouillent leurs secrets
au cou du jour
j’accroche au cou du jour
des guirlandes de poèmes
où rougeoie mon cœur
le soleil roule dans mon tablier
avec les pommes de l’automne
qui ont gardé la saveur de l’enfance
le jour s’ébroue
le jour s’ébroue
dans la rivière du ciel
où les nuages portent nos rêves
jusqu’au lavoir du poème
j’écris avec ma mort dans l’âme
car chaque mot éclaire le chemin
qui me rapproche de l’origine
où ma fin en moi-même confine
odeur de pomme
odeur de pomme
dans les couloirs de ma pensée
grand-mère est aux fourneaux
la pâte à tarte s’enroule
autour du poème qui rougeoie
les mots lèvent des rimes
dans le levain de l’enfance
où picorent des poules dans la cour
et c’est moi qui cours
avec mon rire perlé
vers le ciel où déjà s’égrène
le fil rompu de ma vie
maison dans ma tête
maison dans ma tête
où les mots cassent du bois
pour chauffer les vieux os
de ceux qui ne sont plus
craquent les parquets
aux lattes disjointes du grenier
les pas fantômes de ma mémoire
avancent dans l’ombre
je marche dans ma tête
avec ma mort dans chaque mot
la pensée me glisse
entre les lignes de ce poème
pour se poser légère
papillon de lumière
sur la lampe où mon âme
se brûle les ailes
loups endormis
armoires taillées dans le bois
des forêts de l’enfance
où des loups endormis
rêvent encore sur l’oreiller du dimanche
j’ouvre les portes à deux battants
pour pénétrer dans cette pénombre
où se promène ma mère
dans sa robe de soie noire
elle erre dans la forêt des mots
où les loups parfois s’éveillent
pour éclairer sous mes paupières
le livre de ma nuit
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